Entretien du président Obama avec la South African Broadcasting Corporation

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L'interview porte notamment sur les attentats en Ouganda, la Somalie, le Soudan et le PEPFAR.

 (Début de la transcription)

La Maison-Blanche
Bureau du secrétaire de presse
Mardi 13 juillet 2010


Entretien accordé par le président Barack Obama
à la South African Broadcasting Corporation


Question - Monsieur le Président, vous vous êtes entretenu hier avec le président ougandais Yoweri Museveni pour l'assurer du soutien des États-Unis à la suite du double attentat de Kampala. Pourriez-vous nous communiquer certains des détails de votre conversation à ce sujet ?

Le président Obama - J'ai adressé au président, tout d'abord, les condoléances du peuple américain concernant ce crime abominable qui avait été commis. J'ai assuré au président que les États-Unis appuieraient pleinement une enquête exhaustive sur ces événements.

Al-Shebab a maintenant revendiqué cette atrocité et nous redoublerons d'efforts, en coopération avec l'Ouganda et l'Union africaine, afin de garantir que de telles organisations n'arrivent plus à tuer des Africains impunément.

Et c'est une cruelle ironie du sort que de voir une explosion comme celle-là se produire alors que les Africains célébraient et suivaient la Coupe du monde qui se déroulait en Afrique du Sud. D'un côté, on a la vision d'une Afrique qui avance, d'une Afrique unifiée, d'une Afrique qui se modernise et se crée des possibilités ; de l'autre, on a une vision d'Al-Qaïda et d'Al-Shebab qui n'est que de destruction et de mort. Je crois que cela présente un contraste assez clair en ce qui concerne l'avenir que la plupart des Africains souhaitent pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Nous devons nous assurer que nous faisons tout notre possible afin de soutenir ceux qui veulent bâtir, par opposition à ceux qui veulent démolir.

Question - Ces attaques sont très liées aux événements actuels de Somalie. De quelle manière changent-elles, si tant est qu'elles la changent, la stratégie des États-Unis à l'égard du gouvernement de transition actuellement au pouvoir ?

Le président Obama - Bien sûr, la Somalie a traversé une génération de guerre, de conflit. Le gouvernement de transition s'emploie encore à affermir son autorité. Mais ce que nous savons, c'est que si Al-Shebab étend son emprise en Somalie, ce groupe va exporter la violence comme il l'a fait en Ouganda. Il s'ensuit qu'un effort international s'impose. Certes, il n'incombe pas aux États-Unis d'assumer seuls cette tâche, ni à l'Ouganda ou à d'autres individuellement, mais plutôt elle appartient à l'Union africaine, dans le cadre de sa mission en Somalie, travaillant de concert avec le gouvernement de transition à stabiliser la situation afin de commencer à rétablir le pays sur une voie qui ouvrira des perspectives de progrès à la population, au lieu de créer un terrain fertile pour le terrorisme.

Question - L'ancien ambassadeur des États-Unis en Tanzanie, Charles Stith, vous le connaissez peut-être, vient d'écrire un article sur le radicalisme islamique en Afrique spécifiquement, dont je voudrais vous lire un extrait : « Il m'est apparu alors clairement que le vilain petit secret dont personne ne veut parler ouvertement, c'est l'effet corrosif et néfaste qu'a l'islam politique sur le développement et sur la stabilité du continent africain. Il est indéniable que l'islam est un facteur en Afrique. »

Existe-t-il, selon vous, des stratégies pour faire face à ce problème ?

 Le président Obama - Eh bien, je crois que l'islam est une grande religion. Elle a prospéré aux côtés d'autres religions en Afrique. L'un des grands atouts de l'Afrique, c'est sa diversité, non seulement confessionnelle, mais raciale et ethnique aussi. En revanche, ce que vous avez observé dans le radicalisme islamique, c'est une approche qui affirme que tout effort visant à se moderniser, à respecter les droits fondamentaux de l'homme, à se démocratiser, tous ces efforts sont en quelque sorte anti-islamiques. Je pense que c'est absolument faux. Je crois que la vaste majorité des fidèles de l'islam rejette cette approche. Et je pense que les peuples africains la rejettent.

Ce qu'on a pu voir dans certaines des déclarations faites par des organisations terroristes, c'est qu'elles ne considèrent pas la vie des Africains comme précieuse en soi. Elles la voient comme un terrain où il est possible de livrer des batailles idéologiques qui tuent des innocents, au mépris des conséquences à long terme pourvu qu'elles y trouvent des avantages tactiques à court terme.

C'est la raison pour laquelle il est si important, alors même que nous affrontons des organisations comme Al-Shebab sur le plan militaire, de nous atteler à l'œuvre de développement en nous inspirant de modèles tels que l'Afrique du Sud, qui s'efforcent de s'orienter dans la bonne direction, qui ont des entrepreneurs dynamiques, des institutions démocratiques et des libertés humaines fondamentales. Il nous faut souligner ces pays comme des exemples où les Africains peuvent saisir leur destin entre leurs mains et où les États-Unis peuvent jouer un rôle utile de partenaire.

Question - Vous établissez donc un lien avec la pauvreté, si j'ai bien compris...

Le président Obama - Ce n'est pas simplement un lien avec la pauvreté. Je pense qu'il existe un élément idéologique qu'il s'agit aussi de rejeter. Il est clair que des jeunes, s'ils se voient privés de débouchés, sont plus vulnérables face à ces idéologies erronées, mais il faut aussi affronter directement le fait que des idées antidémocratiques, opposées à la liberté d'expression et à la liberté de religion, telles que les prônent des organisations comme Al-Shebab, vont souvent main dans la main avec la violence.

Question - Passons au Soudan. La Cour pénale internationale a ajouté le chef d'accusation de génocide au mandat d'arrêt délivré contre le président soudanais Omar el-Béchir. Il existe en Afrique un courant de pensée, présent certes au sein de l'Union africaine, selon lequel la poursuite en justice du président el-Béchir va saper ou gêner le processus de paix de Doha. Quelles sont vos vues à ce sujet ?

Le président Obama - Mon point de vue, c'est que la CPI a dressé un mandat d'arrêt. Selon nous, il faut que le gouvernement soudanais coopère avec la CPI. Il est également important, selon nous, que des comptes soient rendus en ce qui concerne les actions qui ont eu lieu au Darfour, provoquant, au moins, des centaines de milliers de vies perdues.

Il y a donc un impératif de responsabilisation et de transparence. Bien entendu, nous cherchons activement à faire en sorte que le Soudan se stabilise, que l'aide humanitaire continue d'y arriver et que progressent les efforts à l'égard du référendum et de la possibilité que le Sud-Soudan obtienne son indépendance en vertu de l'accord qui a été négocié.

Ainsi donc, il faut parvenir à un équilibre. Nous souhaitons avancer de manière constructive au Soudan, mais nous pensons également qu'il existe un devoir de responsabilisation, aussi appuyons-nous pleinement la CPI.

 Question - La paix ne serait-elle pas mise en péril dès lors qu'il se présenterait devant la CPI ?

Le président Obama - Eh bien, la paix sera en péril s'il n'y a pas de transparence, s'il n'y jamais de comptes à rendre envers les actions qui se produisent, que ce soit au Soudan ou n'importe où ailleurs dans le monde.

 Question - La Coupe du monde, Monsieur le Président, vous l'avez évoquée. Dans une certaine mesure, j'imagine qu'elle a été assombrie dans le reste du monde par ce qui s'est passé en Ouganda. Mais l'Afrique du Sud baignait dans la gloire d'avoir mené à bien ce Mondial. Or, il faut reconnaître qu'il y a eu des sceptiques, assez nombreux en fait, et qui s'exprimaient assez bruyamment. Puis-je vous demander si vous étiez de ceux-là ?

Le président Obama - Non, je n'en étais pas. J'ai visité l'Afrique du Sud, j'y ai observé la vitalité extraordinaire de la population, j'ai rencontré le président Zuma et je comprends la fierté extraordinaire que son gouvernement a exprimée et que partagent sans doute tous les Sud-Africains. J'étais sûr que ce serait une réussite.

Évidemment, cela a été une démonstration formidable, non seulement pour l'Afrique du Sud, mais pour toute l'Afrique, car elle a balayé tous les stéréotypes qu'essuie l'Afrique, toutes les fausses notions qui circulent sur les capacités de l'Afrique, et l'on sait que, pour peu qu'on lui en donne l'occasion, l'Afrique se révèle être un continent rempli de dirigeants, d'entrepreneurs, de gouvernements qui peuvent fonctionner efficacement. Ce qu'il nous faut faire maintenant est de renforcer cette image positive créée par la Coupe du monde.

Ainsi, lorsque je suis passé au Ghana l'an dernier, je me suis exprimé très clairement sur ce à quoi se résumait l'ordre du jour : l'Afrique aux Africains. Cela signifie que nous pouvons être partenaires des Africains mais qu'en définitive, qu'il s'agisse d'éliminer la corruption, d'assurer des transitions pacifiques au sein de gouvernements démocratiques, de veiller à ce que les entreprises puissent se développer et prospérer, et à ce que les marchés fonctionnent aussi bien pour le plus petit des agriculteurs que pour les mieux nantis, ce sont des questions sur lesquelles les Africains peuvent travailler ensemble.

En ce qui concerne mon orientation en faveur du développement de l'Afrique, nous voulons certes lui apporter des ressources, mais nous voulons aussi nous associer aux gens qui tiennent à accroître progressivement leurs propres capacités, sans rester tributaires à long terme de l'aide extérieure.

Question - Vous avez également dit au Ghana qu'il fallait mettre fin au jeu de la culpabilisation...

Le président Obama - Absolument. C'est une chose qui me tient à cœur. Si vous posez la question à de simples citoyens, au Kenya, en Afrique du Sud, au Nigéria, ils reconnaîtront certes l'histoire tragique du colonialisme et d'influences occidentales néfastes. Mais je pense qu'ils reconnaîtront aussi que leur problème principal, maintenant, c'est l'agent de police qui les extorque, c'est leur impuissance à faire installer le téléphone dans leur bureau dans des délais convenables, ou encore l'obligation de verser des pots-de-vin. Voilà les obstacles au développement d'aujourd'hui. Et ce sont des problèmes que les Africains peuvent résoudre du moment qu'ils en ont la détermination nécessaire, et de solides dirigeants

Nelson Mandela nous a conduits dans une voie qui nous a fait comprendre les normes de direction qui s'imposent, et auxquelles je crois qu'il est possible de satisfaire. De fait, on observe des pays de par le continent africain qui commencent à satisfaire à ces normes élevées qui sont tellement nécessaires si l'on veut vraiment aider les peuples.

Question - J'aimerais vous poser une question sur l'ancien président Nelson Mandela, mais d'abord, parlons très brièvement, si vous le voulez, de la candidature des États-Unis à accueillir la Coupe du monde en 2018 ou 2022. Les Américains prennent-ils vraiment le football au sérieux ? Je sens plutôt chez eux une certaine partialité...

Le président Obama - Écoutez, je pense que vous avez dû observer un bond formidable d'intérêt cette année en raison de la qualité de l'équipe des États-Unis. Il est absolument vrai qu'ici aux États-Unis on appelle le base-ball notre passe-temps national, que le basket-ball est évidemment une invention autochtone, et que nous dominons le football américain. Ce sont des sports qui se sont développés ici et dont les États-Unis sont obsédés.

Le football est arrivé sur le tard. Mais ce que vous avez vu, à l'égard de l'équipe des États-Unis, c'était un enthousiasme énorme, d'une envergure que je n'avais pas encore observée au sujet de ce sport. La jeune génération est beaucoup plus branchée sur le foot que la précédente. Par exemple, mes filles, elles jouent au football, elles se sont intéressées à tous les tenants et aboutissants de la Coupe du monde. Je pense donc que vous continuerez à observer un enthousiasme grandissant et que les Américains souhaiteraient très sérieusement accueillir la Coupe du monde aux États-Unis

Question - Je voudrais aborder le sida. Monsieur le Président, l'Initiative mondiale de santé, dont le PEPFAR est la pierre angulaire, a suscité envers les États-Unis une vive appréciation et beaucoup de bonne volonté. Mais il y a quelques critiques, notamment de la part de groupes de lutte contre le sida en Afrique du Sud, selon lesquelles le financement aurait subi une réduction de facto, même compte tenu de l'augmentation de 2,3 %. Comment répondriez-vous à cela ? C'est fondé sur l'inflation. L'inflation dans les pays en développement a tendance à être supérieure à celle qui existe aux États-Unis. On a un accroissement de 2,3 %, mais ces groupes disent que c'est en fait une diminution.

Le président Obama - Je dois répondre en disant d'abord que nous ne voyons pas une diminution, mais une augmentation du PEPFAR, une augmentation de l'Initiative mondiale de santé. Je vous promets que lorsque je me bats en faveur de ce budget ici aux États-Unis, les gens ne voient pas cela comme une diminution. Ils voient cela comme une augmentation. Ils comprennent que nous y mettons plus de fonds, comme cela se doit.

Ensuite, nous voulons nous assurer qu'aussi couronné de succès qu'ait été le PEPFAR, aussi important soit-il à nos yeux, par exemple, d'assurer la distribution de médicaments antirétroviraux, nous veillons aussi à contribuer à renforcer les capacités autochtones, et cela cadre avec ce que j'ai dit plus tôt.

Ainsi, par exemple, que faisons-nous en vue de créer les dispositifs de santé publique et l'infrastructure en Afrique du Sud en vue de faire baisser la prévalence de l'infection ? Nous ne traitons pas la maladie uniquement, mais nous réussissons beaucoup mieux maintenant à assurer un niveau général de santé, de manière à ce que de moins en moins de gens deviennent infectés.

Je pense que vous allez voir ce genre de réorientation se faire dans certains domaines. Nous continuerons à distribuer toujours davantage de médicaments antirétroviraux, nous continuerons à verser des millions de rands, des milliards de dollars des États-Unis en faveur de l'aide de base, mais nous voulons aussi renforcer la capacité.

Question - Une dernière question, Monsieur le Président. Nelson Mandela aura 92 ans ce dimanche. Vos pensées à ce sujet ?

Le président Obama - D'abord, il paraissait en excellente forme.

 Question - N'est-ce pas ?

Le président Obama - Et quand je lui ai parlé au téléphone après la disparition tragique de sa petite-fille, il a conservé son ton clair et charmant, comme toujours.

Enfin, Nelson Mandela reste un dirigeant modèle non seulement pour l'Afrique du Sud, mais pour le monde entier. Aussi le célébrons-nous ici aux États-Unis comme vous le faites en Afrique du Sud. Nous lui adressons nos meilleurs vœux. Il nous est un rappel constant de son testament, selon lequel il faut considérer chaque être humain comme important, sans distinction fondée sur la race ou sur la classe, mais plutôt en mesurant la hauteur de son caractère : voilà un excellent modèle sur lequel nous devons tous nous guider en tant que dirigeants.

Ainsi, je lui envoie mes vœux les plus chers. L'Afrique du Sud continue d'être bénie d'avoir ce trésor plus que national, ce trésor mondial.

Question - Eh bien, les Sud-Africains vous adressent eux aussi leurs meilleurs vœux. Merci de nous avoir accordé cette rencontre.

Le président Obama - Merci à vous. Un excellent entretien

(Fin de la transcription)

(Diffusé par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://www.america.gov/fr/)

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