Nigeria : les attentats d'Abuja font craindre un retour aux hostilités du mouvement rebelle du delta du Niger
Le Monde
Comme il l'avait fait en mars lors d'un attentat organisé à deux pas du bureau du gouverneur d'un état pétrolifère, le Mend avait averti trente minutes à l'avance -très exactement-, qu'une explosion allait se produire.
Dans un communiqué diffusé par courrier électronique, le porte-parole du mouvement, Jomo Gbomo, avertissait qu'il fallait évacuer de toute urgence "Eagle square". Sur cette vaste étendue bétonnée au cœur de la nouvelle capitale, Abuja, les présidents prêtent serment depuis le retour à la démocratie (1999).
IMPACT SYMBOLIQUE CONSIDÉRABLE
On y aperçoit, en contrebas, le complexe de la présidence surmonté de son immense rocher. De l'autre côté de la grande avenue qui borde l'esplanade et ses statues dorées du "cénotaphe nigérian" se trouvent l'Assemblée nationale et la Cour suprême.
Eagle square constitue donc le cœur symbolique du pouvoir nigérian. C'est là qu'était naturellement organisé, vendredi 1er octobre, le défilé militaire pour célébrer les cinquante ans d'indépendance du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique.
Les deux voitures piégées du Mend ont explosé à quelques instants d'intervalle, alors que le président, Goodluck Jonathan, assistait au défilé. L'impact symbolique de l'attentat est donc considérable.
Placé dans une forme de semi-sommeil depuis plusieurs mois, le Mend semblait miné par les divisions entre les différents commandants des groupes armés qui le composent.
Le groupe qui fonctionne comme une forme de centrale syndicale pour ces groupes armés du delta du Niger, a vu certains de ses éléments accepter les conditions de l'amnistie mis en place par le pouvoir en 2009 pour tenter, après des opérations militaires dans la région du delta, de mettre fin aux attaques du Mend contre les installations pétrolières.
Il était temps, du point de vue du pouvoir central comme des compagnies pétrolières : la production, au plus fort des attaques en 2008, avait chuté de moitié en raison des sabotages d'oléoducs, de stations de pompages, d'enlèvements et de toute une gamme de perturbations qui faisait flamber les prix des assurances.
UNE DÉMOBILISATION QUI PEINE À FONCTIONNER Sévère mise en garde, si on se souvient que le Mend avait annoncé de la même façon, en 2007, l'offensive contre les installations pétrolières.
Johannesburg Correspondant régional
REUTERS/© Afolabi Sotunde / Reuters
Avec une double explosion à la voiture piégée, vendredi 1er octobre, au cœur même de la capitale du Nigeria, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend) est-il en train de reprendre les hostilités avec le pouvoir nigérian ?
Dans un communiqué diffusé par courrier électronique, le porte-parole du mouvement, Jomo Gbomo, avertissait qu'il fallait évacuer de toute urgence "Eagle square". Sur cette vaste étendue bétonnée au cœur de la nouvelle capitale, Abuja, les présidents prêtent serment depuis le retour à la démocratie (1999).
IMPACT SYMBOLIQUE CONSIDÉRABLE
On y aperçoit, en contrebas, le complexe de la présidence surmonté de son immense rocher. De l'autre côté de la grande avenue qui borde l'esplanade et ses statues dorées du "cénotaphe nigérian" se trouvent l'Assemblée nationale et la Cour suprême.
Eagle square constitue donc le cœur symbolique du pouvoir nigérian. C'est là qu'était naturellement organisé, vendredi 1er octobre, le défilé militaire pour célébrer les cinquante ans d'indépendance du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique.
Les deux voitures piégées du Mend ont explosé à quelques instants d'intervalle, alors que le président, Goodluck Jonathan, assistait au défilé. L'impact symbolique de l'attentat est donc considérable.
Placé dans une forme de semi-sommeil depuis plusieurs mois, le Mend semblait miné par les divisions entre les différents commandants des groupes armés qui le composent.
Le groupe qui fonctionne comme une forme de centrale syndicale pour ces groupes armés du delta du Niger, a vu certains de ses éléments accepter les conditions de l'amnistie mis en place par le pouvoir en 2009 pour tenter, après des opérations militaires dans la région du delta, de mettre fin aux attaques du Mend contre les installations pétrolières.
Il était temps, du point de vue du pouvoir central comme des compagnies pétrolières : la production, au plus fort des attaques en 2008, avait chuté de moitié en raison des sabotages d'oléoducs, de stations de pompages, d'enlèvements et de toute une gamme de perturbations qui faisait flamber les prix des assurances.
UNE DÉMOBILISATION QUI PEINE À FONCTIONNER
A la question de savoir si le Mend estime être impliqué dans le processus d'amnistie en cours au Nigeria, le porte-parole du mouvement nous répondait il y a quelques jours, par courrier électronique : "le Mend n'a jamais fait partie de cette escroquerie nommée amnistie".
L'amnistie est accompagnée de mesures d'encouragement qui peinent à fonctionner. Des camps ont été ouverts dans le delta pour organiser la démobilisation des "boys" (combattants). Des commandants ont touché de grosses sommes pour livrer les armes de leur groupe. Dernièrement, de nouveaux efforts ont été consentis par le pouvoir central pour convaincre un nombre plus important de combattants de rejoindre le processus.
Cette demande est d'autant plus pressante que les élections approchent. Le président en exercice, Goodluck Jonathan, n'est arrivé au pouvoir au printemps qu'en raison de l'état de santé, puis de la mort du chef de l'État, dont il était le vice-président.
M. Jonathan qui n'a jamais été élu de toute son existence, a été servi par la chance, et les ennuis de ceux avec lesquels il avait composé des tickets, à la tête de son état d'abord, (le Nigéria est une fédération de trente-six états) -l'un de ceux qui produisent du pétrole dans le delta-, puis à la tête du pays.
Alors qu'il devrait, selon les règles en vigueur dans le parti au pouvoir, céder la place à un candidat du Nord lors des prochaines élections, prévues en janvier, M. Jonathan vient de se déclarer candidat, il y a une semaine, sur… Eagle square.
Pour convaincre le Nigeria du bien-fondé de cette candidature qui risque de déclencher des troubles, il a affirmé vouloir obtenir rapidement des résultats visibles dans trois domaines : celui de l'électricité (le Nigeria vit constamment avec des coupures), de la commission électorale (les dernières élections se sont révélées une catastrophe), et enfin concernant la paix dans le delta.
Au Mend, cela s'offre comme une opportunité de reprendre les armes. Juste avant l'attentat, l'un des principaux responsables du Mend, qui ne souhaite pas voir son nom cité pour des raisons de sécurité, nous avait affirmé : " Dans le delta, les commandants se préparent pour la guerre. On achète de nouvelles armes avec l'argent touché dans les démobilisations, on recrute. La guerre est pour bientôt, très bientôt. Nous allons recommencer à nous attaquer à l'industrie pétrolière qui n'a pas le droit de travailler chez nous, et cette fois nous allons détruire complètement ses installations".
L'amnistie est accompagnée de mesures d'encouragement qui peinent à fonctionner. Des camps ont été ouverts dans le delta pour organiser la démobilisation des "boys" (combattants). Des commandants ont touché de grosses sommes pour livrer les armes de leur groupe. Dernièrement, de nouveaux efforts ont été consentis par le pouvoir central pour convaincre un nombre plus important de combattants de rejoindre le processus.
Cette demande est d'autant plus pressante que les élections approchent. Le président en exercice, Goodluck Jonathan, n'est arrivé au pouvoir au printemps qu'en raison de l'état de santé, puis de la mort du chef de l'État, dont il était le vice-président.
M. Jonathan qui n'a jamais été élu de toute son existence, a été servi par la chance, et les ennuis de ceux avec lesquels il avait composé des tickets, à la tête de son état d'abord, (le Nigéria est une fédération de trente-six états) -l'un de ceux qui produisent du pétrole dans le delta-, puis à la tête du pays.
Alors qu'il devrait, selon les règles en vigueur dans le parti au pouvoir, céder la place à un candidat du Nord lors des prochaines élections, prévues en janvier, M. Jonathan vient de se déclarer candidat, il y a une semaine, sur… Eagle square.
Pour convaincre le Nigeria du bien-fondé de cette candidature qui risque de déclencher des troubles, il a affirmé vouloir obtenir rapidement des résultats visibles dans trois domaines : celui de l'électricité (le Nigeria vit constamment avec des coupures), de la commission électorale (les dernières élections se sont révélées une catastrophe), et enfin concernant la paix dans le delta.
Au Mend, cela s'offre comme une opportunité de reprendre les armes. Juste avant l'attentat, l'un des principaux responsables du Mend, qui ne souhaite pas voir son nom cité pour des raisons de sécurité, nous avait affirmé : " Dans le delta, les commandants se préparent pour la guerre. On achète de nouvelles armes avec l'argent touché dans les démobilisations, on recrute. La guerre est pour bientôt, très bientôt. Nous allons recommencer à nous attaquer à l'industrie pétrolière qui n'a pas le droit de travailler chez nous, et cette fois nous allons détruire complètement ses installations".